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L'Art de la Fugue

En dépit d'une légende tardive qui lui valut un malencontreux appendice (le choral Wenn wir in höchsten Nöten sein dicté depuis son lit de mort), l'Art de la Fugue fut composé une année avant la disparition de Bach. On ne saura donc jamais – mystère de plus dans une suite d'énigmes – si l'œuvre fut inachevée ou mutilée.

Pierre philosophale, requiem, traité de théologie ? Rarement chef-d’œuvre se sera identifié à un destin au point de s'y confondre. L'Art de la Fugue tout comme le célèbre théorème de Fermat sont pour Bach ou pour Fermat ce que l'immortalité ou la pierre philosophale sont pour un alchimiste ou un mystique. Des centaines de dévots suivirent en pure perte les brisées de leurs maîtres à penser : on n'a jamais retrouvé la simplicité d'une démonstration à la Fermat, pas plus qu'on n'a trouvé la fin de l'Art de la Fugue. Car tenter d'en achever l'ultime contrapunctus relève du malentendu : c'est, par dévotion pour son auteur, s'avérer iconoclaste à l'égard de l'oeuvre. Les versions avancées ? Sacrilèges dont on a souhaité peupler le silence, combler le vide, par piété pour l'auditeur, frustré – ou supposé tel – en l'absence d'une cadence finale athlétique.

L'Art de la Fugue est une musique dépourvue de charme. Il n'y a là aucun histrionisme, aucun divertissement, au sens pascalien du mot s'entend ; il n'y a pas plus de grimaces que n'en feraient un cadavre ou un minéral. Aucune anecdote hormis B.A.C.H., thème-signature, signal de détresse avant la dissolution dans le grand silence final.

J'ai commencé à écrire ces lignes sur l'Art de la Fugue afin de répondre à la demande d'un festival : pourquoi je joue cet ouvrage ? Je suis seulement heureux de ne pas avoir à répondre en mon for intérieur à la question : pourquoi ne le jouerais-je pas ? C'eût été trop facile : impropre au jeu parce qu'insondable, l'Art de la Fugue aurait dû, à l'instar de sa fin inexistante, rester à l'état virtuel, une ode au silence.

Andrei Vieru

L’intelligence est avec lui, mais aussi un métier sans faille. Rare, secret, donc précieux. Si Vieru était chef d’orchestre, on l’attendrait dans Bruckner, tant il sait construire : son Art de la fugue atteint la perfection. Il y a chez Andrei Vieru une affirmation calme qui rappelle Brendel. Voici enfin un pianiste dont l’instrument ne sonne pas comme le piano d’aujourd’hui, mais comme un instrument immémorial, un instrument de sagesse. Un piano qu’on avait oublié sous les doigts de musiciens de sa génération.

Le Monde de la Musique

Une révélation majeure : celle d’Andrei Vieru. Son parcours de Bach à Scriabine, d’une force de pensée inaccoutumée et d’un impact exceptionnel lui vaut un de nos coups de cœur dont nous sommes plutôt avares. Andrei Vieru est d’une concentration de pensée qu’on ne retrouve que chez les très grands. Qu’il joue L’Art de la fugue, les Bagatelles de Beethoven ou la Sonate de Liszt, il fuit le joli, le délicat, l’anecdotique. Il est de la race de ceux que rien ne détourne de l’essentiel. La Sonate de Liszt est aussi un immense moment.

L’op. 126 de Beethoven, par la variété de ton, par la puissance, par le contrôle de l’expression se situe ici au niveau de rigueur des dernières sonates ou des Variations Diabelli. L’intégrale de L’Art de La Fugue surpasse les interprétations trop romantiques de [...] ou de [...], plus individualistes. C’est le genre d’interprétation dont on ne se lasse pas, et que l’on peut approfondir à chaque écoute.

Et les Scriabine ont la beauté des rêves (Sonate n°9, Désir, Poème).

Répertoire

Vieru joue l’Art de la fugue, cette grande arche formelle, en faisant entendre sa polyphonie comme personne. Il est capable de faire chanter les lignes avec le naturel de Rubinstein, de marquer les repères structurels avec la fermeté d’un Richter.

Le Monde, meilleurs
disques de l’année

Les bagatelles op. 126 frappent par cette évidente volonté d’aller à l’essentiel qui caractérise Vieru. L’éblouissante maîtrise du texte qu’affiche l’interprète s’impose avec plus d’évidence encore dans L’Art de la Fugue.

Diapason

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